Diébédo Francis Kéré
Diébédo Francis Kéré, architecte burkinabé plusieurs fois primé, sera l’un des principaux conférenciers du Congrès mondial des architectes de l’UIA l’année prochaine (18-22 juillet 2021, Rio de Janeiro, Brésil). Il a étudié à l’Université technique de Berlin, et il a créé la Fondation Kéré. En 2005, il a crée son agence, KéréArchitecture, aujourd’hui reconnue à l’échelle nationale et internationale par des prix tels que le Prix Aga Khan d’Architecture (2004) et le Gold Award of Global Holcim, en 2012. D. F. Kéré a été professeur à la Harvard Graduate School of Design, à la Yale School of Architecture, à la Swiss Accademia di Architettura di Mendrisio et à la TU München.
Qu’est-ce qui vous a amené à l’architecture ?
Le désir d’améliorer les conditions de vie et l’architecture de mon peuple. Je voulais construire des logements et des écoles qui n’ont pas besoin d’être laborieusement réparés après chaque saison des pluies. Je voulais construire des salles de classe qui offrent un environnement d’apprentissage confortable et attrayant.
Quelle est votre mission personnelle en tant qu’architecte ?
Concevoir des bâtiments qui servent d’inspiration à ceux qui les utiliseront. Cela nécessite de tout dénuer jusqu’à l’essentiel, afin de positionner l’humain au centre. Et ce faisant, j’ai été de plus en plus témoin du fait que les structures construites avec la force motrice des usagers plaisaient à ceux qui y entraient et offraient un répit à la vitesse trépidante de notre temps. Ma mission d’architecte s’est forgée au fur et à mesure que mon expérience améliorait mon expertise.
D’après votre expérience, quels sont les avantages du projet participatif ?
Lorsque les gens sont impliqués dans un processus, un sentiment d’appartenance et de responsabilité se crée. Un bâtiment créé avec une approche participative cesse d’être une structure étrangère et devient, de ce fait, un élément que les personnes ayant contribué à sa création, comprennent et s’approprient. Cela entraîne aussi un sentiment de fierté et la volonté d’entretenir le bâtiment.
Comment les différences culturelles entre l’Allemagne et votre pays d’origine, le Burkina Faso, affectent-elles votre travail, votre créativité et votre philosophie du projet ?
Voyager et habiter à la fois un monde d’abondance en matière de connaissances techniques et de matériaux, comme l’Allemagne, et une société avec peu de ressources économiques et technologiques mais avec une solide compréhension de la connectivité communautaire, comme le Burkina Faso, a aiguisé mes sens d’une manière qui n’est pas possible lorsque vous vivez dans un seul et même environnement culturel familier. Ces allers retours m’ont donné le goût du ludique et de la recherche de solutions à la croisée des chemins, qu’un acteur d’une seule culture ne pourrait pas avoir. Cela exige d’aller au-delà de la simple comparaison, en opposant une culture à l’autre ou en ayant une compréhension dichotomique des deux. J’ai trouvé que l’aspect le plus enrichissant de ma créativité et de mon travail vient du fait que j’utilise instinctivement les deux, simultanément, sans en rechercher les origines.
Comment pensez-vous que notre perception du « développement » doit changer, dans le contexte de l’environnement bâti ?
Si vous parlez de développement en termes de création de technologies plus avancées, je dirais qu’il est important de ne pas perdre de vue ce qui est réalisable et pour qui. Les besoins doivent être liés aux personnes et si nous développons des technologies de construction qui ne tiennent pas compte de l’accessibilité financière pour le plus grand nombre, alors il faut changer d’orientation.
Si vous parlez de développement en termes d’aide, il est également nécessaire de placer le besoin des personnes qui en bénéficient au cœur de tout effort.
Dans les deux cas, il est important d’éviter de créer des éléphants blancs.